Comment juge-t-on à Bruxelles le non-respect des mesures de confinement? Xavier Van Der Smissen a lu deux jugements à ce sujet.
Faire attention aux autres pour éviter tout risque de contamination est un devoir moral de chacun mais ne peut, sans loi claire et débattue sur le sujet, être une obligation sanctionnée pénalement. Deux juges ont eu le courage de trancher en ce sens.
Les mesures imposées par le gouvernement actuel pour régler la crise sanitaire sont de moins en moins respectées par les jeunes et les moins jeunes à Bruxelles. Diverses raisons peuvent l'expliquer. Elles sont imposées depuis trop longtemps, elles sont critiquées par certains milieux médicaux, elles sont difficiles à respecter sur la longueur. Les politiques et avis divergent sur l'utilité de celles-ci...
Mais qu'en pensent les juges à Bruxelles?
Un juge de la jeunesse qui pouvait prendre des mesures contre un mineur qui s'était promené en rue avec d'autres personnes que celles de sa bulle élargie et un juge de police amené à sanctionner pénalement un majeur ne portant pas le masque ont récemment considéré qu'ils ne pouvaient pas appliquer les arrêtés ministériels imposant à la population des mesures de confinement depuis le 18 mars 2020.
En effet, " les juges ont le pouvoir et le devoir de vérifier la légalité de tout acte émanant d'une autorité administrative, comme c'est le cas des Ministres de notre gouvernement.
La loi invoquée par le Procureur du Roi pour poursuivre le mineur sont les articles 182 et 187 de la loi du 15 mai 2007 relative à la sécurité civile sur laquelle se sont fondés l'arrêté ministériel du 23 mars 2020.
Lorsque le parlement a voté cette loi, il envisageait de prendre des mesures de confinement ponctuelles pour des catastrophes localisées dans le temps et dans l'espace, telles que, des accidents de centrales nucléaires...
Pour rappel, le droit pénal est d'interprétation restrictive:...
Les dérogations aux droits et libertés fondamentales, si elles sont autorisées dans des cas exceptionnels par ...des normes internationales, doivent impérativement trouver leur source dans des normes à caractère légal (une loi fédérale, un décret régional ou communautaire ou une ordonnance bruxelloise) et doivent s'interpréter de la manière la plus restrictive possible;
En l'espèce, si la situation sanitaire à laquelle le monde est confronté depuis le mois de décembre 2019, et en particulier en Belgique, depuis les mois de février et mars 2020, est grave, il convient cependant de relever que le législateur s'est abstenu de ...autoriser les mesures ... depuis presqu'un an à ce jour..."
Ces deux juges relèvent qu'une restriction à la liberté de circulation doit être prévue par une loi. Or ce n'est pas le cas.
Aucune mesure ou sanction pénale ne peut donc être prise à l'encontre du mineur ou d'un majeur n'ayant pas respecté les mesures de confinement.
Pour le juge de police, "Le port de masque demeure donc un devoir moral, surtout lorsque des personnes se retrouvent dans une artère en compagnie de nombreux concitoyens." Tel est également le cas des justiciables qui se présentent dans une salle d'audience.
Il n'en est rien lorsqu'une personne se trouve seule en rue.
Ces deux juges ont donc décidé, à juste titre, de ne pas sanctionner les récalcitrants.
Ces deux jugements nous montrent que les tribunaux font plus qu'appliquer les normes en vigueur. Ils vérifient la légalité de celles-ci et refusent de les appliquer lorsqu'ils estiment qu'elles sont contraires à nos libertés individuelles protégées par notre constitution et les traités internationaux.
Cela est rassurant et démontre que l'Etat de droit fonctionne bien en Belgique.